Hello à toutes et à tous,
J’espère que vous allez bien !
Cette semaine, je vous propose de “voyager” un peu. Exit les actualités angoissantes, zoom sur l’Espace et sur son impact. Un condensé dans cette newsletter de ce qu’il faut comprendre sur le sujet et un podcast avec le génial Julien Doche pour en discuter !
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💡 Sujet du jour : Quel est l'impact caché de l'aérospatial ?
🕐 Temps de lecture : 6 minutes
🌌 L’aérospatial : l’espace, nouveau champ de bataille écologique ?
Depuis quelques années, le ciel au-dessus de nos têtes devient de plus en plus fréquenté. Satellites par milliers, projets de constellations comme Starlink, tourisme spatial, fusées réutilisables… L’aérospatial fait rêver. Mais cette course vers l’espace pose aujourd’hui une question cruciale : à quel prix environnemental ?
Alors que l’espace est censé nous aider à mieux comprendre et protéger la Terre, ses usages explosent sans régulation écologique claire. Tentons d’y voir plus clair aujourd’hui !
🛰 À quoi sert la course à l’espace ?
On ne s’en rend pas toujours compte, mais l’espace fait déjà partie de notre quotidien. Au dessus de nous naviguent de nombreux satellites plus ou moins proches.
Les satellites ont énormément de valeur dans notre quotidien : pour la télécommunication (TV, internet satellitaire, téléphonie mobile), l’observation de la Terre (météo, agriculture, déforestation, catastrophes naturelles), la défense & la sécurité (surveillance, communications cryptées, détection militaire) ou encore l’exploration scientifique (Mars, télescopes spatiaux…).
📈 Une croissance exponentielle des lancements
Mais pourquoi cette croissance du nombre de satellites ?
C’est notamment car ces entreprises ont décidé de s’attaquer à l’orbite basse. Mais pourquoi ?
Car en orbite basse, les signaux (ex : Internet, données) mettent notamment moins de temps à voyager entre le satellite et la Terre et peuvent aussi fournir une meilleure résolution spatiale et capter des détails plus fins (utile pour l’observation terrestre, le climat, la défense…) à des coûts plus réduits.
Cependant, cela vient avec un coût : il faut en lancer davantage !
En effet, en orbite basse, les satellites se déplacent très rapidement (environ 90 minutes pour faire le tour de la Terre). Pour garantir une couverture continue, surtout pour des services comme Internet, il faut de nombreux satellites qui se relaient en permanence car le satellite ne "voit" une zone donnée que pendant quelques minutes avant de disparaître à l’horizon.
Il faut donc une véritable constellation pour arriver à proposer un service fiable !
Et ça donne quoi en chiffres ?
En 2010 : ~70 lancements par an
En 2023 : 223 lancements
En 2030 : on prévoit 40 000 à 60 000 satellites en orbite (vs ~7 000 aujourd’hui)
C’est notamment le cas de Starlink (SpaceX) qui prévoit près de 42 000 satellites !
🧩 Une chaîne de valeur éclatée… mais un impact réel
L’aérospatial repose sur une chaîne de valeur complexe, allant de l’extraction minière jusqu’aux débris spatiaux :
Amont industriel : l’extraction de métaux rares (titane, lithium, tungstène), la fabrication des composants (puces, panneaux solaires, structures) et la construction des lanceurs et satellites (Airbus, Thales, ArianeGroup…).
Lancement : le transport du lanceur, le décollage depuis un pas de tir et la combustion de carburants très spécifiques (kérosène, hydrogène, méthane, etc.)
Exploitation en orbite : un satellite reste actif pendant 5 à 15 ans. Il est alimenté via panneaux solaires, parfois par propulsion électrique.
Fin de vie : le satellite peut par la suite se désintégrer en rentrant dans l’atmosphère ou être par exemple mis en orbite cimetière.
👉 Chaque étape génère des émissions de gaz à effet de serre (GES), des polluants atmosphériques et/ou des impacts sur l’ozone.
🌍 Quel est l’impact sur l’environnement de l’aérospatial ?
Selon certaines études, l’aérospatial correspond à 0,01% des émissions mondiales en 2018 (sans compter les émissions associées aux infrastructures numériques ou aux appareils dont les usages sont permis par le spatial). Cela paraît peu. Pourquoi ?
Car l’impact dans la haute atmosphère n’est pas comptabilisé. Avec une approche basée sur les émissions en haute atmosphère, une autre étude réalisée en 2014 trouve un impact mondial de 0,6%. Alors pourquoi un tel écart ?
🛰 Comprendre l’enjeu : où se produisent ces émissions ?
Avant tout, petit rappel sur les couches de l’atmosphère traversées par les fusées :
Troposphère (0–10 km) : couche où nous vivons, brassée par les vents, là où volent les avions.
Stratosphère (10–50 km) : contient la couche d’ozone, peu brassée. Les polluants y stagnent longtemps.
Mésosphère (50–85 km) : très froide, peu étudiée, c’est là que brûlent les satellites en rentrée.
Thermosphère (>85 km) : début de l’espace, là où se trouvent les satellites actifs.
La majorité des émissions spatiales se fait dans la stratosphère et la mésosphère, où les effets climatiques sont beaucoup plus intenses et mal pris en compte.
🌍 Pourquoi l’impact réel est bien plus élevé
Un lancement orbital consomme jusqu’à 500 tonnes de carburant, soit plus de 3 fois la consommation d’un vol long-courrier Paris–New York aller-retour (≈150 t pour un Boeing 747).
Lors du passage en haute atmosphère ces gaz (CO₂, vapeur d’eau, NOx, suies, alumine…) sont libérés en haute altitude, où ils peuvent rester 2 à 10 ans, contre quelques jours dans la troposphère.
La vapeur d’eau en stratosphère a par exemple un pouvoir de réchauffement jusqu’à 300 fois supérieur à celui du CO₂ à court terme ! C’est pourquoi l’impact global est beaucoup plus important.
L’impact n’est pas que sur le réchauffement climatique. Les propergols solides (carburant utilisé pour propulser une fusée) libèrent du chlore, qui détruit l’ozone stratosphérique.
Et que se passe-t-il lors de la descente ? Lors de la rentrée atmosphérique, les satellites libèrent des métaux vaporisés (aluminium, lithium, titane) dans la mésosphère, avec des effets encore mal connus.
On comprend donc aisément que la croissance des lancements, comme du tourisme spatial est une très mauvaise nouvelle pour l’ozone et pour le changement climatique.
🛰️ Débris spatiaux : une pollution invisible… mais croissante
Mais l’impact n’est pas que climatique, la filière est également en train de “jouer” avec le feu. Un satellite a une durée de vie de 5 à 15 ans en moyenne. Lors de sa fin de vie, deux choix sont possibles :
Les satellites sont “désorbités” = brûlent partiellement dans l’atmosphère. Ce qui signifie de nombreux problèmes environnementaux comme expliqué plus haut.
Ils peuvent sinon rester en orbite. Le problème : ils deviennent ainsi des déchets. Les satellites inactifs ou mal contrôlés peuvent entrer en collision et s’éparpiller pour devenir de plus petits déchets (à l’image des micro-plastiques).
En 2024, on estime 36 000 débris de plus de 10 cm, et 1 million de fragments entre 1 et 10 cm. Ces débris peuvent détruire d'autres satellites ou menacer la station spatiale internationale (ISS)
Il n’y a actuellement aucune réglementation internationale stricte ne régit leur gestion. Certains pays commencent à exiger une désorbitation contrôlée, mais cela reste limité.
🛠️ Quelles solutions pour un spatial durable ?
1. Mieux mesurer
Comme vu plus haut, il y a un vrai manque de données sur l’impact réel du secteur. Mais comme le dit très bien Julien Doche : “mesurer c’est peut-être se tirer une balle dans le pied”. C’est pourtant indispensable si on souhaite vraiment comprendre où réduire. Ainsi il est indispensable que le secteur prenne à bras le corps la mise en place d’ACV (analyse du cycle de vie) pour les lanceurs, satellites et orbites.
2. Réguler
Les normes sur les débris (ex : désorbitation en 25 ans) sont volontaires et peu suivies. De plus, aucun traité ne limite le nombre de satellites, ni la multiplication des constellations comme Starlink (qui prévoit plus de 40 000 satellites).
3. Réduire
Limiter les projets de constellations massives est indispensable car cela a un impact réel sur l’environnement (plus de lancement) mais également sur d’éventuel déchets. Surtout ces projets de méga constellations ont, comme souvent, des avantages technologiques limités. Starlink par exemple vise des zones rurales mal couvertes dans des pays déjà connectés (États-Unis, Canada, Europe, Australie…) et ne remplace ni la fibre, ni la 4G/5G, qui restent bien plus efficaces et abordables pour des usages de masse.
🎯 Une conscience en cours… mais trop lente
Quelques signaux faibles :
Le CNES a évoqué une "trajectoire bas carbone" du spatial
L’ESA travaille sur des lanceurs éco-conçus
Des startups testent des services de ramassage de débris
Mais globalement, les grands acteurs industriels sont dans une logique de croissance sans frein, et les États soutiennent massivement ces ambitions au nom de la souveraineté.
🌌 En résumé
L’aérospatial est un domaine fascinant, mais encore trop peu interrogé sous l’angle écologique.
Entre rêves d’exploration et logique d’accumulation, il devient urgent de remettre du cadre et du sens dans cette conquête du ciel. Car même à 500 km d’altitude, il n’existe pas de planète B.
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A très vite !
Antoine